- OXFORD (MOUVEMENT D’)
- OXFORD (MOUVEMENT D’)OXFORD MOUVEMENT D’Mouvement d’idées qui s’est produit dans l’Église anglicane au XIXe siècle et qui a eu pour but d’y raviver les éléments catholiques de sa tradition sans lui retirer pourtant son indépendance à l’égard de la papauté.Inauguré en 1833, ce mouvement a été appelé «tractarien» à cause des Tracts for the Times que publièrent ses dirigeants. Gravement ébranlé en 1845 par la conversion de Newman au catholicisme, il s’est cependant prolongé de façon authentiquement anglicane jusque vers la fin du siècle.Deux manifestations ont préparé le lancement des Tracts . La première est le sermon dit des Assises que Keble prononça le 14 juillet 1833 devant les juges du comté d’Oxford. Il y dénonçait une «apostasie nationale» et protestait contre les innovations politiques (en particulier la suppression de dix évêchés irlandais sur vingt-deux) décidées par le nouveau gouvernement whig. La seconde manifestation eut lieu quelques jours plus tard: ce fut la réunion de quelques professeurs chez Hugh James Rose (1795-1838), curé de Hadleigh. Elle est à l’origine des pétitions qui furent envoyées au début de l’année suivante à l’archevêque de Canterbury pour maintenir la notion de succession apostolique et pour demander le respect du Prayer Book en son intégralité. Ces pétitions recueillirent les signatures de 7 000 prêtres et de 230 000 chefs de famille.Le premier des Tracts fut lancé par Newman en septembre 1833. Il s’adressait au clergé, dont il voulait secouer l’indifférence. Par son ton, et déjà par son contenu, il s’écartait des idées plus modérées qu’adoptaient les conservateurs ou high churchmen . L’autorité qu’il réclamait pour l’Église visible n’impliquait pas de docilité à l’égard du pouvoir civil qui venait d’admettre au Parlement les non-conformistes. Dès 1834, quarante-six «Tracts» furent réunis en volume; ils portaient sur l’apostolicité ou la catholicité de l’Église anglicane, sur son histoire et sa liturgie. Ils prônaient une via media et étaient dirigés à la fois contre le papisme et contre les dissidents protestants.À ce moment de son histoire, le personnage le plus vénéré du mouvement fut John Keble (1792-1866); le plus bouillant, Richard Hurrell Froude (1803-1836); le plus doué et le plus agissant, John Henry Newman (1801-1890). Bientôt s’y adjoignit un professeur d’hébreu, qui était aussi un homme d’une fervente spiritualité et d’une grande érudition théologique, Edward Bouverie Pusey (1800-1882).Le succès répondit à leur attente et les entraîna à des polémiques retentissantes. L’une des premières fut relative à l’un de leurs collègues, R. D. Hampden (1793-1868). Il s’était signalé par son opposition aux tests religieux qui étaient alors imposés aux étudiants, puis par une série de conférences jugées peu orthodoxes. En 1836, il fut désigné par le gouvernement pour être regius professor de théologie. Les tractariens, en accord il est vrai avec le parti évangélique, le firent désapprouver à une très forte majorité par le corps universitaire. Leur campagne souleva l’indignation de Thomas Arnold (1795-1842), le célèbre éducateur de l’école de Rugby, qui voulait rassembler dans une grande Église nationale les chrétiens des diverses dénominations, à l’exception des catholiques romains. Un peu plus tard, les tractariens s’abstinrent de souscrire pour l’érection d’un monument dédié à Cranmer, Ridley et Latimer, martyrs de la Réforme sous le règne de Marie Tudor. Keble et Newman se firent encore plus d’ennemis en publiant à titre posthume les écrits provocants de Froude.L’œuvre théologique accomplie par les tractariens, appelés encore «puseyistes», fut importante. Ils éditèrent des Pères de l’Église et des auteurs du XVIIe siècle, en qui ils voyaient des précurseurs. Newman exerça une action profonde et fascinante par ses sermons à l’église St. Mary’s dont il était curé. Son Prophetical Office of the Church (1837), puis ses Lectures on Justification (1838) dégagèrent les lignes essentielles d’un anglicanisme rénové, fondé sur la tradition des premiers siècles, favorable à la vie sacramentelle et à l’autorité doctrinale de l’Église. Il indiquait comment devaient s’équilibrer la fonction épiscopale et la fonction prophétique; il estimait enfin qu’il fallait viser à réduire la division de l’unique Église du Christ en trois branches, romaine, orthodoxe et anglicane. En 1841, il mit le point final à sa théorie par le Tract XC , dans lequel il montrait la compatibilité des trente-neuf articles officiels de la foi anglicane avec une interprétation catholique, tout en répudiant les excès qui s’étaient glissés, par exemple, dans la conception des messes romaines.La roche Tarpéienne est proche du Capitole. L’université et les évêques blâmèrent brutalement le Tract XC . L’érection d’un évêché commun pour les anglicans et pour les luthériens à Jérusalem acheva de décourager Newman. Il se retira à Littlemore et abandonna peu à peu ses charges pastorales et son enseignement. Il sentait croître en lui ses doutes sur la légitimité de l’Église anglicane et sa crainte que Rome n’eût raison. L’Essay on the Development of Christian Doctrine , auquel il travaillait dans le silence, réfute le Prophetical Office qu’il avait rédigé huit ans auparavant. Après des adieux émouvants, il passa au catholicisme romain le 8 octobre 1845.Pendant ces années de crise, les épreuves se multipliaient pour ses amis. En 1843, Pusey avait reçu une interdiction de prêcher, à la suite d’un sermon sur l’eucharistie. En 1845, un tractarien turbulent, W. G. Ward (1812-1882), avait été dégradé par la Convocation. Le mouvement était divisé. Une nouvelle génération y était active. Les uns, tels Ward ou F. W. Faber (1814-1863), affirmaient de façon gênante leur sympathie pour Rome. Les autres, tels J. B. Mozley (1813-1878), I. Williams (1802-1865) ou C. Marriott (1811-1858), restaient fermement attachés à l’Église de leur naissance. On leur devra des ouvrages théologiques, des études d’histoire ou de dévotion, des hymnes où se perpétuait l’élan du romantisme religieux qui s’était révélé jadis dans le Christian Year de Keble.Une cinquantaine de prêtres ou de laïques précédèrent ou suivirent Newman dans sa sécession. Mais les rédacteurs mêmes des Tracts , sauf exception, ne les imitèrent pas. La paix revint dans les milieux intellectuels d’Oxford, où prit bientôt racine l’école libérale, sinon latitudinaire, de B. Jowett (1817-1893) et d’A. P. Stanley (1815-1881). Toutefois, le mouvement anglo-catholique se répandit largement dans le pays, soit dans les villes (c’est ainsi que Pusey construisit une église à Leeds), soit dans les campagnes (sous l’influence du frère aîné de Keble) et jusqu’en Écosse (avec A. P. Forbes, 1817-1875). Lorsqu’en 1850 la commission judiciaire du Conseil privé de la reine soutint G. C. Gorham contre son évêque, alors qu’il avait nié la connexion nécessaire de la grâce avec l’acte du baptême, Keble protesta avec vigueur et l’orage provoqua de nouvelles sécessions, dont celle d’H. E. Manning (1808-1892), qui devait devenir archevêque romain de Londres. Les anglo-catholiques eurent leur premier évêque en 1854 avec W. K. Hamilton (1808-1869), leur protecteur contre la reine Victoria avec Gladstone; ils eurent ultérieurement leur doyen de St. Paul à Londres avec R. W. Church (1815-1890). Des congrégations religieuses de femmes, dues aux encouragements de Pusey, préludèrent à la formation de quelques ordres monastiques pour hommes.Les anglo-catholiques se consacrèrent alors surtout à la réforme liturgique et à l’action sociale. Ils fondèrent aussi des périodiques tels que The Guardian et The Church Times . Connus désormais sous le nom de «ritualistes», beaucoup d’entre eux réintroduisirent les chasubles dans les paroisses, l’encens ou la réserve eucharistique et la pratique de la confession. Cette attitude leur valut d’être persécutés et parfois emprisonnés. Les vexations administratives ne se terminèrent qu’en 1892.Plus encore que par des restaurations cultuelles, le mouvement d’Oxford aura marqué l’Église anglicane en y renouvelant le sens de l’adoration et la vie intérieure. Il lui aura, en outre, donné conscience de son autonomie spirituelle dans l’État et de sa responsabilité sociale dans la nation. Mais l’apostolicité et la catholicité dont il se réclamait n’auront pas entraîné une nostalgie romaine durable. En ce sens, la via media que Newman abandonna en la croyant chimérique aura fini par prendre une réelle consistance historique.
Encyclopédie Universelle. 2012.